Premier exemple : La Petite Fille cananéenne (Matthieu 15,21-28, Marc 7,24-30). Deux évangélistes rapportent un autre exorcisme, réalisé par Jésus durant son voyage dans la région païenne de "Tyr et de Sidon" : "Et voici qu'une femme cananéenne, sortie de ce territoire, cria en disant : "Aie pitié de moi, Seigneur, Fils de David. Ma fille est fort malmenée par un Démon "(Matthieu 15, 21-28). "un esprit impur" dit Marc 7, 25). Jésus la repousse, mais elle insiste de manière touchante pour qu'il chasse le Démon hors de sa fille (selon Saint Marc 7,26). Et Jésus loue sa foi (selon Saint Matthieu 15, 28) et lui dit : "A cause de cette parole, va ! Le Démon est sorti de ta fille ! Et s'étant allée dans sa maison, elle trouva l'enfant étendue sur le lit et le Démon sorti"(selon Saint Marc 7, 29-30).
Le cas paraît peu instructif, car les évangélistes ne décrivent ni symptômes, ni rite propre de Délivrance ou d'exorcisme. Et si Marc(7,23) emploie trois fois le mot "Démon" et une fois le mot "Esprit impur". Matthieu, plus hiératique, n'a recours qu'une fois au terme "Démon", et cela, seulement dans la bouche de la femme cananéenne, Jésus lui même ne parlant que de "guérison". Mais cette libération est bien une Guérison Spirituelle, comme j'en ai souvent eu le cas dans mon travail pour les malades : "Ô femme, grande est ta foi ! Qu'il arrive comme tu veux. Et sa fille fut guérie à cette heure là (Matthieu 15,28)". Le trait significatif, c'est qu'il s'agit ici d'une libération à distance comme en réalisent encore aujourd'hui de nombreux laïcs comme moi, ainsi que des exorcistes. C'est pourquoi, le cas se présente avec une certaine abstraction, et laisse place à la question-objection suivante : "exorcisme ou guérison ?", selon la formule conclusive de Saint Matthieu. Il est vrai qu'à cette époque, et aujourd'hui aussi, on peut confondre possession et maladie, qui souvent interfèrent, et appellent l'une et l'autre une guérison : physique ou spirituelle.
Là où Saint Pierre résume la carrière du Christ devant la communauté naissante de Césarée, il ne distingue pas : il met en bloc tout le Mal sur le compte du Diable.
En conclusion, une fois, dans l'Évangile, Jésus a exercé ce ministère à distance en faveur de la petite fille cananéenne. Cela coupe court à certaines tentatives semi-officielles pour déconseiller, ou empêcher les Délivrances et les exorcismes à distance. Peu importe qu'on ne leur donne pas ce nom et qu'on parle de Guérison Spirituelle, la structure normale de l'exorcisme étant alors incomplète. Mais ce mode d'action, inauguré par le Christ, a perduré jusqu'à ce jour dans la tradition et l'expérience chrétiennes. De plus, ce type de libération très remarquable présente un intérêt apologétique certain : en pareil cas, le sujet ignore tout de l'action exercée par l'exorciste, et on ne peut donc parler d'auto-suggestion. De plus, les libérations sont parfois saisissantes. Certains laïcs, exorcistes et guérisseurs ont découvert cette possibilité de Délivrance à distance, occasionnellement, quand la personne possédée, ou maléficiée, ou malmenée, se trouvait éloignée ou inaccessible, ou résistante, ou pas au courant. Ce n'est pas forcément un charisme particulier : c'est une forme de charisme qui se révèle à l'usage. Par contre, le Discernement, quant à lui, est un charisme, tout comme celui de la Connaissance.
|