Vivre la Méditation au quotidien :

L'Origine de la souffrance

Dans cette Méditation, complémentaire des deux chapitres VI et VII (voir l'Éthique, fondement de la morale et de la souffrance, Chapitres 1 et 2) dont je reprends certains concepts, on découvrira l'origine de la souffrance. L'Ignorance est le premier facteur de souffrance chez les êtres humains. l'Ignorance, au sens métaphysique, désigne la non-reconnaissance par notre esprit de sa propre nature Divine : nous sommes des créatures de Dieu, ainsi que le sont les Animaux, les Végétaux, les Minéraux, et toutes les créatures visibles et invisibles, comme par exemple, les Esprits Impurs. Notre Ignorance provient, comme je viens de le dire, de la non-reconnaissance de notre propre nature éveillée de Dieu, car nous sommes appelés à prendre, dans le Ciel, la place d'où les Esprits Impurs ont été chassés en raison de la haine qu'ils éprouvèrent pour Dieu et pour l'image Divine imprimée en nous. L'Ignorance dite fondamentale, c'est l'Esprit ne se reconnaissant pas dans sa dimension parfaitement libre et heureuse.

À la question de l'origine temporelle de l'Ignorance, on ne peut que répondre qu'elle est sans commencement. En ce sens, cette Ignorance fondamentale est encore appelée "Ignorance innée". Du fait que l'esprit ne se reconnaît pas lui-même, il génère l'illusion, et les projections d'une apparente séparation radicale entre "moi" et "l'autre". Ainsi se structurent les dualités "sujet/objet" et "attirance/répulsion" qui marquent notre expérience du monde. Cette dualité, prise pour réelle, est la base du développement des tendances habituelles de l'esprit, des émotions perturbatrices et de la loi de causalité. La compréhension de l'Interdépendance en est le remède...

L'Ignorance est le fondement de notre vie terrestre, des vies passées et futures, et le germe de toute souffrance que tous les Êtres éprouvent. À un niveau plus relatif, l'ignorance désigne cet état où l'esprit expérimente un manque de clarté, de discernement, et de faculté de jugement. Or, si je n'ai pas suffisamment de lucidité, je vais avoir tendance à suivre aveuglément tout ce qui se présente. Être ignorant, dans cette acceptation, ne signifie pas être mauvais où stupide, où manquer d'intelligence, mais simplement ne pas percevoir distinctement quel est le chemin juste et quel est le chemin erroné. Si je ne vois pas clair en moi-même, j'obéis à mes impulsions du moment, sans discernement. J'agis de manière réactive parce que mon esprit est obscurci. Suivant cette réflexion, l'origine de toute action réside dans l'esprit, et donc, si je ne suis pas conscient de ce qui se passe dans mon esprit, alors ma vie sera soumise à l'influence des émotions perturbatrices telles que l'attachement, l'orgueil, la jalousie, la haine, la colère et l'indifférence. En effet, sous l'emprise de ces émotions, je serai amené à agir sans aucune clairvoyance. Une simple colère peut alors se révéler très destructrice. Prenons un exemple très simple dans la vie des animaux (et après, je vous écrirai ce que Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II a dit concernant les animaux, ce qui, par ailleurs, doit servir de méditation au moment de certaines fêtes pendant lesquelles on sacrifie des Êtres vivants pour satisfaire des désirs) : un animal entre chez vous et, sans aucune autre réflexion, vous vous saisissez de l'arme à feu que vous possédez, vous tirez sur l'animal et vous le tuez. Vous ne vous posez pas la question de savoir ce qui est juste de ce qui ne l'est pas. L'intrusion de l'animal vous dérange ou vous irrite, car, par exemple, il peut avoir endommagé vos récoltes ou votre jardin. Vous voulez mettre fin à cette situation sans délai, pour retrouver votre tranquillité. Vous vous débarrassez du fauteur de troubles, et ce, sans aucun recul, ni aucune réflexion, ni retour sur votre décision... L'Ignorance, dans cet exemple précis, recouvre le fait que l'on n'est absolument pas conscient de ce que vit l'animal de son côté, et que l'on ne cherche pas à le savoir. L'on ne se rend pas non plus compte de la portée de cet acte, et on ne cherche pas s'il existe une autre solution, comme simplement le faire fuir, par exemple, ce qui est moins dommageable que de tuer un être vivant. Une telle réaction ne va certes pas produire de bons résultats pour son auteur, que ce soit dans cette existence ou dans les existences à venir. Au contraire, cet acte va mûrir sous la forme d'un résultat négatif à expérimenter dans le futur : il y aura un effet "boomerang" ! C'est ce que l'on appelle la "Loi de causalité", la loi de cause à effet, qui est la relation entre une cause et un effet. Bien sûr, il se peut qu'en agissant de la sorte, on obtienne des résultats immédiats et temporaires en accord avec ce que l'on cherchait pour soi-même, et on éprouve alors, dans un premier temps, une certaine satisfaction. Ceci est l'Apparence. Mais l'action que l'on a accomplie a généré une perturbation dans l'esprit : on a créé les conditions entre une cause et un effet à venir. Tôt ou tard, nous devrons expérimenter le résultat de nos actions, et, même si notre expérience n'est pas forcément identique à la situation actuelle, à l'exemple cité, nous nous trouverons confrontés un jour à une forme de souffrance. Tout provient donc de l'ignorance telle qu'elle est définie, notamment de cette incapacité à déceler les tendances habituelles de l'esprit et à ne pas être leur jouet.

Dans la Tradition chrétienne, beaucoup de personnes se disant catholiques souffrent de par leur Ignorance en raison des actes nuisibles portés aux autres et aux animaux. Ce qui suit, a pour but d'éliminer ces vues erronées. Le Très Cher Saint François d'Assise, qui sut parler aux oiseaux, et qui, aveugle, composa son "Cantique des Créatures", rappelle le respect et l'affection que nous devons à nos "frères les animaux", comme il aimait à le dire. L'Église recommande de les protéger, et Sa Sainteté le Pape Jean-Paul II est allé jusqu'à préciser : "Les créatures et les éléments ne seront protégés de toute violence injuste et nuisible que dans la mesure où, à la lumière de l'Enseignement biblique sur la Création et la Rédemption, on les considérera comme des êtres à l'égards desquels l'homme et la femme sont liés par des devoirs et sur lesquels il ne leur est pas permis d'agir à leur guise, comme des créatures qui, avec l'homme et la femme, attendent et désirent leur libération de l'esclavage de la corruption pour avoir part à la liberté glorieuse des enfants de Dieu" (extrait tiré de la lettre des ministres généraux des divers ordres fransiscains pour le 8ème centenaire de la naissance de Saint François d'Assises, le 15 Août 1982). D'ailleurs, le Christ ressuscité est l'Agneau vainqueur de l'Apocalypse (Apocalypse 4,6-8), escorté par les quatre Vivants qui sont l'Homme, le Lion, le Taureau et l'Aigle, ces quatre "Animaux Saints" (en hébreu) de la vision inaugurale du Prophète Ezéchiel, lesquels deviendront les symboles respectifs, dans le même ordre, des quatre Évangélistes : Matthieu, Marc, Luc et Jean.

Pour revenir sur l'Ignorance, et notamment sur cette incapacité à déceler les tendances habituelles de l'esprit et de ne pas en devenir leur jouet, il faut savoir qu'il existe, en vérité, deux types de tendances. La première concerne les habitudes ancrées dans nos vies, comme le fait de fumer, par exemple : si je suis né dans une famille de fumeurs, ou si des amis m'ont initié à ce rite, je grandis ainsi et, à mon tour, je vais fumer sans penser au caractère nocif de ce comportement. De plus, les conseils de santé que je peux recevoir ne suffiront pas à me convaincre de changer : tout au contraire, je préférerai ne pas y penser, et cette habitude se transformera ainsi en une tendance. Le deuxième type de tendances est lié aux émotions perturbatrices telles que la haine ou la colère, comme dans l'exemple que j'ai développé plus haut sur l'animal. Ainsi, si nous ne sommes pas conscients de la présence de la colère en nous, de l'Impatience, des tendances qu'elles génèrent et qui nous poussent à nous venger, à être insatisfaits et à rendre coup pour coup dans l'existence, où à tomber dans l'anxiété et le désespoir, alors nous allons trouver "normal" de prendre notre revanche sur quelqu'un qui nous a nui, et chercher à tout prix le moyen de nous débarrasser de tout ce qui nous dérange. Nous ne percevons pas le mal que nous faisons à l'autre (l'autre peut être notre femme, notre mari, nos enfants, nos voisins, notre collègue de travail, nos frères les animaux...), et donc à nous-même, en retour car dans notre ignorance, dans notre aveuglement, de tels comportements sans cesse répétés, nous paraîtront, hélas, tout naturels. Il faut prendre conscience et connaissance de ces diverses notions d'Ignorance, d'Interdépendance et de la loi de causalité, en détail, dans les Enseignements de Jésus, du Bouddha, des Pères du désert, des Saints et des Saintes, etc..., ce que j'en écris n'en n'étant qu'un aperçu très sommaire.

La pratique spirituelle, quand on y consacre du temps (et même un "mi-temps"), permet, entre autre, aussi, de comprendre tous ces processus et les résultats qu'ils induisent. Certes, il existe bien des choses intéressantes de par le monde, mais l'on peut réaliser aussi que les satisfactions qu'elles procurent ne durent qu'un laps de temps très court, et qu'en revanche, pour les obtenir, il faut accomplir d'innombrables activités aux conséquences diverses. Certaines seront positives, et donc, porteuses de mérites ou d'un effet positif, mais d'autres seront négatives, générant donc un démérite ou un effet négatif. Quand on a vraiment réalisé qu'une existence uniquement tournée vers la recherche des profits personnels est profondément insatisfaisante et que, par ailleurs, la vie humaine est courte, on est mieux à même de prendre certaines orientations de vie. Il devient alors évident qu'il est bien plus fructueux de mettre à profit le temps dont on dispose pour des choses comme l'altruisme, la Compassion et la Charité (qui se nourrit par la Prière et la parole de Dieu, comme le disait Mère Térésa) qui peuvent amener un réel bienfait pour soi-même et pour les autres.

Pour qu'une telle compréhension puisse se développer et porter ses fruits, il est nécessaire de lire et d'écouter aussi les Enseignements et les messages de Marie, Mère de Miséricorde, de méditer et de prier pour la Paix entre les hommes, les femmes, les animaux, entre les peuples, et pour l'humanité... Car le bonheur de l'humanité tient à son environnement, et le bien-être de l'individu tient à son état d'esprit. Il faut réfléchir à tout cela, l'assimiler en profondeur. Alors, ensuite, progressivement, l'on met en pratique ce que l'on a vu, appris, compris. Tout est alors mis en oeuvre pour clarifier l'esprit, sortir de l'Ignorance, et ne plus être inconsciemment soumis aux pulsions et tendances habituelles, afin de ne plus créer de démérite, de péchés ou des effets négatifs. Plus nous percevons les fonctionnements et conditionnements de notre esprit, plus nous sommes à même d'adopter une attitude juste et bénéfique dans tous nos actes et toutes les situations que nous rencontrons au quotidien. Cela est bon pour tous.

Il est très intéressant de méditer sur les conséquences concrètes du repliement sur soi, sur l'enfermement dans l'ego, et sur l'orgueil qui coupent l'être humain de sa véritable source. L'origine de la souffrance réside dans l'ignorance. Ainsi qu'on l'explique, cette ignorance produit la saisie propre à l'égo et la dualité (cette séparation "moi/autrui" est la base des comportements émotionnels et de la loi de cause à effet) Les êtres ordinaires ne voient pas les choses telles qu'elles sont dans leur vérité. Être constamment préoccupé de soi-même, être centré sur soi-même et uniquement sur soi-même, résulte également de l'Ignorance. Cette disposition d'esprit ne serait peut-être pas qualifiée "d'ignorance" dans la vision ordinaire des choses, mais, du point de vue spirituel, cela ne fait aucun doute. Si nous nous plaçons dans la perspective de la libération, nous sentons que nous sommes comme entravés, enfermés dans un cercle étroit. Nous sommes à nous-même notre propre vision. Cette situation est le fruit de l'Ignorance. S'il convient sans doute, au cours d'une existence, d'acquérir des connaissances en plusieurs domaines, il est essentiel d'avoir la connaissance et la conscience de ce que sont la Libération et le Chemin susceptible d'y conduire.

L'Impermanence est une base qui y conduit et permet de comprendre la Libération et ses enjeux. Tout, absolument tout, change, se transforme constamment, à chaque instant. Rien n'est stable. Tous les phénomènes sont transitoires, en perpétuelle évolution, passant continuellement d'un état à un autre : toute manifestation est dénuée de la moindre permanence. Cela est aussi vrai pour la Nature que pour l¨être humain qui naît, ne cesse de se transformer, et finit par mourir. Certaines personnes, se fiant à une écoute un peu rapide, pensent qu'il s'agit là de vérités d'évidence. En fait, nous sommes conviés à approfondir notre réflexion afin d'intégrer véritablement et précisément le sens de l'Impermanence. Cette contemplation du sens de l'Impermanence est essentielle à notre évolution. Elle entraîne la prise de conscience que rien n'est acquis, stable, définitif, et qu'il ne sert à rien de remettre à plus tard l'accomplissement spirituel. C'est donc à travers la compréhension, au sens fort, de l'Impermanence de toutes choses, que nous tournons notre esprit vers la Libération et que nous ressentons la nécessité et l'urgence de trouver les moyens, pour nous-mêmes et pour les autres, de nous dégager de l'emprise de l'Ignorance, et de libérer le potentiel de notre esprit. Ainsi, nous ne gaspilleront pas le temps de notre vie, mais consacrerons nos efforts à l'essentiel.

Cette vision de l'Impermanence évoque deux choses : la première est la conception du philosophe grec Héraclite qui avait cette belle formule pour signifier que tout est dans un devenir permanent : "on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve" je pense aussi à un petit livre de la Bible, l'Écclésiaste, qui commence par cette formule célèbre : "Vanités des vanités, tout est vanité". Dans la Révélation elle-même est donc incluse une réflexion désabusée sur l'Impermanence. Il y est dit : "le vent part d'un côté et va de l'autre, ce qui existe est ce qui a déjà été, etc"... Rien de plus étonnant que de relever, dans la Révélation, cette espèce de découragement, de dégoût de l'être, parce que rien n'est permanent, rien n'est sérieux, rien ne tient...

Mais, en même temps, comme nous l'avons déjà évoqué, la Bible et toute la Théologie catholique reposent sur l'idée d'une permanence de l'Être : notre personne demeure, nous demeurons chacun en nous-mêmes, et nous continuons d'exister dans l'au-delà. Notre être substantiel demeure. L'Impermanence implique que tous les phénomènes sont en perpétuelle évolution, mais l'esprit demeure, et s'inscrit dans une continuité. Je dirais que notre esprit, dans son essence, en tant que substrat, est permanent mais que ses fonctions et son fonctionnement sont sujets au changement.